Des acteurs économiques, réunis lors d’une conférence consacrée au budget, voient dans l’adoption de la loi sur les partenariats public-privé une alternative à la hausse des prélèvements obligatoires.
« Il est nécessaire de voter une loi de finances (pour l’exercice 2017), incluant une stratégie claire pour contenir la hausse de l’endettement public, si l’on veut éviter une catastrophe économique », a alerté jeudi le chef des Kataëb, le député Samy Gemayel, lors d’une conférence organisée par son parti sur le budget.
Unanimes pour dénoncer l’absence de budget depuis onze ans, la dizaine d’intervenants issus des milieux universitaires et entrepreneuriaux ont aussi échangé sur les meilleurs moyens de stopper le creusement du déficit public, sans peser sur la croissance.
Spirale de la dette
« En 2015, les dépenses publiques ont atteint 13,53 milliards de dollars, contre seulement 9,58 milliards de recettes. Ces recettes n’ont servi à couvrir que les deux principaux postes de dépenses publiques, à savoir les salaires et le service de la dette qui totalisaient 9,38 milliards de dollars », a dénoncé Jean Tawilé, président du Conseil économique et social des Kataëb, citant les chiffres du ministère des Finances. « Cela signifie que toutes les autres dépenses, comme les transferts du Trésor à Électricité du Liban (EDL), les dépenses de fonctionnement et les investissements, sont financées par endettement, aggravant davantage la situation des finances publiques », a-t-il poursuivi. La dette publique a atteint 70,3 milliards de dollars fin 2015. « En l’absence de réformes structurelles, le Fonds monétaire international prévoit une hausse de 37,3 % de la dette publique libanaise en quatre ans, à 103 milliards de dollars », a prévenu Nassib Ghobril, directeur du département de recherche de Byblos Bank.
Pour enrayer cette spirale, il serait logique d’augmenter les recettes fiscales. Dans son avant-projet de budget pour l’exercice 2017 – transmis le 26 août au Conseil des ministres, mais toujours pas inscrit à son ordre du jour –, le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, prévoit l’introduction de 27 nouvelles mesures fiscales devant générer 1,61 milliard de dollars de recettes supplémentaires. Celles-ci devraient notamment servir à financer l’adoption d’une nouvelle grille des salaires dont le coût est estimé à 796 millions de dollars sur l’exercice 2017.
Mais le consensus politique est loin d’être garanti, car ces mesures fiscales sont vivement rejetées par les organismes patronaux, et certaines risquent également d’affecter le secteur bancaire, qui contribue au paiement du tiers du total des impôts sur le revenu prélevés par l’État. Parmi elles, « celle prévoyant la hausse de deux points de la taxe sur les intérêts bancaires (à 7 %). C’est une taxe qui a rapporté à l’État plus de 500 millions de dollars en 2015. Or, le ministère des Finances veut mettre un terme à la possibilité pour les banques de déduire le paiement de cette taxe lors du règlement de leurs impôts sur leurs revenus (10 %). M. Khalil prévoit de mettre un terme à cette possibilité », explique l’avocat fiscaliste Karim Daher.
Priorité aux infrastructures
Pour éviter l’augmentation des prélèvements obligatoires, « l’État devrait solliciter le secteur privé pour améliorer les infrastructures du pays dans le cadre de partenariats public-privé (PPP) en vue d’encourager les investissements et la création d’emplois », a prôné le secrétaire général du Haut Conseil de la privatisation (HCP, affilié à la présidence du Conseil des ministres), Ziad Hayek.
Le Liban ne dispose toujours pas d’une loi sur les partenariats public-privé. Un premier projet de loi sur les PPP avait été préparé en 2007, puis un second en 2010, par le HCP, mais aucun n’a été voté à ce jour, essentiellement pour des raisons politiques. « Les PPP sont utilisés par la plupart des pays pour financer leurs grands projets d’infrastructure. le Liban a besoin de plus de six milliards de dollars pour des projets d’infrastructures prioritaires, capables de créer plus de 210 000 offres d’emploi, dont 80 000 pour les jeunes, en cinq ans », a justifié M. Hayek.
Pour la plupart des conférenciers, l’un des premiers secteurs qui devrait bénéficier de la mise en œuvre de PPP est celui de l’électricité. « Les transferts du Trésor à Électricité du Liban (EDL) destinés à combler le déficit de l’établissement constituent le troisième poste de dépenses budgétaires (8,4 % du total en 2015, à 1,14 milliard de dollars) », a rappelé M. Tawilé. Ils ont pourtant enregistré une baisse exceptionnelle de 45,8 % entre 2015 et 2014, en raison de la chute des prix du pétrole. « Le Liban devrait profiter de cette conjoncture pour réformer le secteur de l’électricité, ce qui permettra de réduire la dette publique », a conseillé M. Ghobril. « L’État devra également arrêter de subventionner les tarifs de l’électricité. Les citoyens doivent payer leur consommation à son véritable coût », a détaillé M. Hayek.
Une proposition exposée également par le président de la Lebanese Franchise Association (LFA), Charles Arbid, qui la conditionne néanmoins à une rénovation préalable du secteur. « EDL est en mesure de devenir une entreprise rentable. Si on règle le problème de l’électricité, l’État sera en mesure de relever la grille des salaires sans hausser les taxes. L’État ne peut pas continuer à se tourner vers le secteur privé à chaque fois qu’il a besoin de financement », a-t-il avancé.
Mais pour l’économiste Jad Chaaban, le débat sur les moyens de financer la nouvelle grille des salaires ne peut justifier sa non-adoption lors du vote du budget. « Le relèvement de la grille des salaires est nécessaire pour compenser la hausse de la cherté de la vie », a-t-il martelé, avant de plaider pour une rationalisation de la gestion des ressources humaines dans la fonction publique.