Lettre au contribuable – Aldic
Cher contribuable ! Je m’adresse à toi, qui que tu sois, en termes fédérateurs et rassembleurs car ton statut à lui seul est garant de non-discrimination et d’union. Il fédère et concerne tout autant les employeurs et les employés, les nantis et les défavorisés, les fonctionnaires et les administrés, les citoyens et les étrangers résidents, les petits et les grands, les hommes et les femmes et tout un chacun qui participe de près ou de loin, par sa contribution directe ou indirecte, au fonctionnement de l’État et à la survie de ses institutions.
Sans toi ou avec un autre que toi, les sources de financement et les flux de trésorerie se tarissent, les garanties de remboursement s’estompent, la corruption s’essouffle et le gaspillage se résorbe. Mais le veux-tu seulement ?
L’heure n’est plus aux plaintes, complaintes ou jérémiades. Trop de choses ont été dites mais très peu d’actions entreprises. On arrive avec des idées et beaucoup d’espoirs et on repart avec des désillusions et la promesse de ne plus s’y faire prendre. Pourquoi ? Ne serait-ce pas à cause d’une tendance devenue toute naturelle chez nous de vouloir toujours considérer que « l’enfer », comme le dit Sartre, « c’est les autres » ou bien que la solution à nos problèmes doit nous être nécessairement parachutée par autrui ou plusieurs autrui ? N’est-ce pas plutôt nos propres démons qui nous hantent en nous empêchant de nous regarder tels que nous sommes vraiment ? Des êtres suffisants ou apeurés incapables de faire face à la réalité et d’assumer leurs propres manquements.
Le changement en fait, ce n’est ni plus ni moins qu’une question d’éthique et d’initiative. L’éthique de s’acquitter volontairement de ses obligations et de ses devoirs sans utiliser comme prétexte pour s’y dérober les manquements des autres. Prendre une rue en contresens pour grappiller quelques secondes au motif que tout le monde le fait ou continuera de le faire ne nous dédouane pas pour autant de l’infraction (surtout morale) de contrevenir au règlement. Dépasser sans coup férir la limite de vitesse ou une file d’attente, en plein trafic, à l’aéroport ou ailleurs, en arguant de l’urgence ou présomptueusement sans motif, ne nous rend pas plus intelligent quand bien même en pareilles occasions mais en d’autres temps on se conformerait scrupuleusement à la législation étrangère par crainte de mesures coercitives immédiates. Corrompre un agent public pour faire passer en douce de « petites » infractions et priver le Trésor de subsides au seul profit dudit corrompu ou de celui plus haut placé qui le protège s’inscrit à l’évidence dans la même lignée. Ne serait-il pas plus simple et plus utile de s’acquitter de son dû et de s’armer de sa bonne foi et de son intégrité pour faire face à toute tentative de chantage a priori ou posteriori et contrer l’excès de pouvoir ? Dans une mise au point explicative du titre de sa pièce, Sartre a précisé « que les autres sont, au fond, ce qu’il y a de plus important en nous-mêmes, pour notre propre connaissance de nous-mêmes ». Mais nous connaissons-nous vraiment nous libanais ? Franchement ?
Ceci étant, l’éthique va de pair avec l’initiative, car pour prêcher la vertu il faut bien entendu être irréprochable à ce titre. L’initiative nécessite de même connaissance et action.
Cher contribuable, connais-toi toi-même ! En effet, tu n’as pas seulement le droit de savoir mais aussi l’obligation de t’informer. Prends conscience de tes charges, informe-toi des tenants et des aboutissants de toute imposition, guette les échéances et trace l’itinéraire de ton apport. C’est alors et alors seulement que tu pourras revendiquer la transparence, demander des comptes à tes dirigeants et juger de leurs actions pour les valoriser ou les sanctionner.
Il y a plus de deux siècles, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen avait déjà établi l’adage que « nul citoyen n’est dispensé de l’honorable obligation de contribuer aux charges publiques ». Elle avait aussi stipulé, pour mieux expliquer la relation de cause à effet et la justifier, que « la société a le droit de demander des comptes à tout agent public de son administration ». Depuis, les choses ont certes mis du temps à se mettre en place mais par la suite la démocratie a pris son envol pour aboutir aujourd’hui à une société française (et européenne) civilisée et regardante où le Parlement s’affirme comme la vraie émanation du peuple et le signe de la souveraineté populaire.
Le Liban ne devant plus être en reste et après des décennies d’errances, la société civile a pris dernièrement conscience de son rôle et de son poids… elle a même réussi pour très peu de temps et sans programme à « ébranler l’édifice » et à faire douter les « apparatchiks de la nomenclature ». Aujourd’hui, en matière fiscale, un mouvement d’idées et d’initiatives se met peu à peu en place pour dépoussiérer et moderniser le contrat social et venir très prochainement vers toi, cher contribuable, avec des idées nouvelles, un projet concret et une information simplifiée et adaptée comportant des notions « vulgarisées » de l’impôt et des finances publiques. Le but est de te redonner espoir et te démontrer que tout est encore possible. Il t’est simplement demandé de l’accepter et de l’accompagner… dans ton intérêt certes et celui d’autrui.
Albert Einstein ne disait-il pas que le « monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire ». C’est bien le cas de le dire !
Karim DAHER