L’Arrêté No. 139/1 émis par le Ministre des finances le 12/03/2019 (ci-après) a défini les modalités d’application des dispositions de l’article 41 la loi No 705 du 09/12/2005 sur la Titrisation des actifs. Cet Arrêté confirme une pratique administrative rejetée par le Conseil d’Etat (Décisions No 180 et 181 du 29/11/2016 – BSEC/Etat Libanais) qui vise à assujettir à la TVA les fonds communs de placement ainsi que les activités entreprises par les gestionnaires des fonds pour le compte desdits fonds et plus précisément les opérations de titrisation; quand bien même, d’une part, la Loi sur la TVA ne considérait comme assujetties à la taxe que les entités disposant de la personnalité morale (article 3)- chose qui est déniée au fonds – et exemptait de la TVA d’une manière explicite toutes les opérations financières en rapport avec la titrisation et la gestion des fonds communs de placement (article 16(4) de la Loi No 379/2001 et Décret No 7485 du 27/02/2002- sachant que cette exemption s’étend à toutes les activités bancaires et financières sous contrôle de la BDL) ; et d’autre part, en raison des exemptions propres aux opérations de titrisation qui exemptent l’ensemble des opérations entreprises par une tierce partie (le gestionnaire) pour le compte et au nom du fonds. Sans oublier non plus que l’article 41 précité de la Loi No 705 ne comporte aucune provision destinée ou référant à un arrêté ou décret devant préciser les modalités d’application du texte ou les clarifier. De plus, l’Arrêté a appliqué de manière uniforme le taux d’imposition de 10% aussi bien aux distributions de profits (dividendes) qu’aux intérêts générés par les obligations et titres et ce, quand bien même le texte de loi ne prévoit pas le mot intérêts (article 41(4) de la Loi No 705/2005) et que ces derniers devraient normalement être assujettis à l’impôt spécial de 7% (article 51 de la loi de finance N° 497/2003).
Il convient donc de relever que l’Arrêté No. 139/1 a interprété implicitement l’intention du législateur et l’a même dénaturée en rajoutant des dispositions non-prévues dans la loi. Il est donc à craindre que ceci ne corresponde à une interprétation extensive de la loi et donc à un excès de pouvoir et par conséquent à une atteinte au principe de parallélisme des formes et des compétences et de hiérarchie des normes, étant donné qu’une loi ne peut être modifiée que par une loi. A ce titre et comme il est précisé dans le Jurisclasseur Administratif (fasc. 1152, n° 99 et 100): «sont notamment entachées d’erreur de droit, les décisions fondées sur des motifs non prévus par la loi, celles qui, plus largement, manifestent une interprétation inexacte de la règle et celles qui dénaturent les pouvoirs conférés à l’autorité…Imposer une condition non prévue par la loi et contraire à la règle applicable, qu’il s’agisse de la loi ou d’un règlement, constitue un cas fréquent d’erreur de droit». Nul besoin de préciser à cet égard, qu’une telle décision qualifiée d’excès de pouvoir selon les articles 65 et 105 du règlement du Conseil d’Etat (Décret-Loi No 10434 du 14/6/1975 et ses amendements) peut (ou doit) faire l’objet d’un recours par voie d’action dans les deux mois de sa publication ou tout au moins par voie d’exception.