La Loi de finances N0 144 du 31/07/2018 a été publiée au journal officiel en date du 01/08/2019 (ci-dessous), soit avec sept mois de retard par rapport au délai constitutionnel (article 86), et comprend un certain nombre de mesures fiscales qui méritent d’être relevées; notamment celles visant à élargir l’assiette des contribuables, à annuler l’ensemble des budgets annexes pour les inclure dans le budget consolidé de l’Etat à partir de 2021 ainsi que des mesures visant à lutter contre l’évasion fiscale et contre l’économie informelle (économie souterraine). Ci-après un aperçu des principales dispositions contenues dans le Budget de 2019:
* I. Les nouvelles dispositions fiscales :
Il serait important de noter qu’un certain nombre de mesures visant à instaurer et/ou à augmenter certains impôts et taxes, bien que vivement contestés, ont été adoptés et intégrés dans la nomenclature fiscale afin d’augmenter les recettes et d’abaisser le déficit fiscal dans la perspective des engament pris lors de la conférence CEDRE en Avril 2018. Parmi ces nouvelles dispositions fiscales il convient de citer:
* • Instauration d’une taxe temporaire (pour une durée de trois ans) de 3% sur les produits importés soumis à la TVA, soit environ 55% des produits importés, à l’exclusion de l’essence, des matières premières et des équipements et matériels utilisés par les filières industrielles et agricoles.
* • Hausse temporaire de l’impôt sur les intérêts bancaires de 7 à 10% (article 31 du Budget modifiant l’article 51 de la loi de finances N° 497/2003 amendé par l’article 29 de la loi de finances No 583/2004 et l’article 17 de Loi No 64 du 20/10/2017 complétés par l’Arrêté du Ministre des finances No 1504/1 du 22/12/2017) et ce, pour une durée de trois ans.
* • Imposition des pensions de retraite à l’impôt sur le revenu (articles 23, 47 et 48 du Budget amendant les articles 47(4), 56 et 58 de la loi de l’impôt sur le revenu) à l’exception des pensions de retraite des martyrs et blessés de l’armée et des forces de sécurité. Cette imposition sera comme suit :
* − 1% sur les pensions de retraite ne dépassant pas les 6 millions de livres libanaises (soit 4 000 dollars américains).
* − 2% sur les pensions de retraite allant de 6 millions de livres libanaises (4 000 dollars américains) à 15 millions de livres libanaises (10 000 dollars américains).
* − 3.5% sur les pensions de retraite allant de 15 millions de livres libanaises (10 000 dollars américains) à 30 millions de livres libanaises (20 000 dollars américains).
* − 5.5% sur les traitements et salaires et les pensions de retraite allant de 30 millions de livres libanaises à 60 millions de livres libanaises (40 000 dollars américains).
* − 7.5% sur les pensions de retraite allant de 60 millions de livres libanaises (40_0000 dollars américains) à 120 millions de livres libanaises (80 000 dollars américains).
* − 10% sur les pensions de retraite allant de 120 millions de livres libanaises (80_000 dollars américains) à 225 millions de livres libanaises (150 000 dollars américains).
* − 12.5% sur les pensions de retraite supérieurs à 225 millions de livres libanaises.
Un abattement (une déduction appliquée à un montant donné avant le calcul du revenu imposable) supplémentaire de dix millions de livres libanaises (10 000 000 L.L) soit 6.600 dollars américains environ s’ajoute aux autres abattements familiaux actuellement en vigueur et sera déduit de l’assiette imposable.
* • Rajout d’une septième tranche d’imposition pour les contribuables dont les traitements et les salaires sont supérieurs à 225 millions de livres libanaises soit 150 000 dollars américains (article 23 du Budget modifiant l’article 58 de la Loi de l’impôt sur le revenu). La nouvelle progressivité se présente comme suit:
* – 2% sur la tranche des revenus nets imposables ne dépassant pas 6,000,000 LL.
* – 4% sur la tranche des revenus nets imposables supérieurs à 6,000,000 LL et ne dépassant pas 15,000,000 LL
* – 7% sur la tranche des revenus nets imposables supérieurs à 15,000,000 LL et ne dépassant pas 30,000,000 LL
* – 11% sur la tranche des revenus nets imposables supérieurs à 30,000,000 LL et ne dépassant pas 60,000,000 LL.
* – 15% sur la tranche des revenus nets imposables supérieurs à 60,000,000 LL et ne dépassant pas 120,000,000 LL.
* – 20% sur la tranche des revenus nets imposables supérieurs à 120,000,000 LL et ne dépassant pas 225,000,000 LL.
* – 25% sur la tranche des revenus nets imposables supérieurs à 225,000,000 LL.
Les abattements personnels et familiaux actuellement en vigueur et définis à l’article 31 de la loi de l’impôt sur le revenu (une déduction appliquée à un montant donné avant le calcul du revenu imposable) seront applicables et déduits de l’assiette imposable.
* • Rajout d’une sixième tranche d’imposition de 25% pour les contribuables assujettis à l’impôt sur les revenus commerciaux, industriels et non-commerciaux (dont professions libérales) et ce, pour les revenus nets qui dépassent 225 millions de livres libanaises (article 24 du Budget modifiant l’article 32 de la Loi de l’impôt sur le revenu) La nouvelle progressivité se présente comme suit:
* – 4% sur la fraction du bénéfice n’excédant pas 9,000,000 LL.
* – 7% sur la fraction du bénéfice excédant 9,000,000 LL et n’excédant pas 24,000,000 LL.
* – 12% sur la fraction du bénéfice excédant 24,000,000 LL et n’excédant pas 54,000,000 LL.
* – 16% sur la fraction du bénéfice excédant 54,000,000 LL et n’excédant pas 104,000,000 LL.
* – 21% sur la fraction du bénéfice excédant 104,000,000 LL et n’excédant pas 225,000,000 LL.
* – 25% sur la fraction du bénéfice excédant 225,000,000 LL.
* • Instauration de nouvelles taxes perçues par la Sûreté Générale (article 44 du Budget), par exemple:
* − Trois millions de livres libanaises (soit 2 000 dollars américains) au lieu d’un million de livres libanaises (soit 667 dollars américains) pour la 1ere catégorie.
* − Deux millions de livres libanaises au lieu d’un million de livres libanaises (soit 667 dollars américains) pour la 12eme catégorie.
* − Un million de livres libanaises (soit 667 dollars américains) au lieu de 300 000 livres libanaises (soit 200 dollars américains) pour la 3eme catégorie soit la catégorie du personnel de maison.
* − Trois cents mille livres libanaises (soit 200 dollars américains) au lieu de 50 000 livres libanaises pour la 4eme et dernière catégorie.
* II. Les mesures réduisant l’impôt applicable :
* • Réduction du droit d’enregistrement des unités résidentielles dont le prix atteint 375 millions de livres libanaises à 2% au lieu de 5% (taux en vigueur) et à 3% pour la portion du prix qui dépasse le plafond de 375 millions précité; et ce, à condition que le contrat de vente notarié ou la procuration irrévocable constatant la cession de propriété ait été établi avant la publication du Budget (01/08/2019) et que le transfert de propriété au registre foncier soit exécuté et finalisé avant la date butoir du 31/03/2020 (article 29 du Budget).
* • L’article 49 du Budget (amendant l’article 45 du Décret-loi No 144 du 12/6/1959 amendé par l’article 13 de la Loi No 64 du 20/10/2017) prévoit d’octroyer aux personnes physiques ou morales obligées de tenir une comptabilité régulière, conformément aux textes des lois et règlements, la possibilité de procéder à une réévaluation exceptionnelle des éléments de leurs actifs immobilisés (y compris les actions, titres de créances et de participation dans des sociétés, les biens fonds immobiliers, etc.) afin d’atténuer les effets de l’inflation. Cette actualisation ne pouvant se faire qu’une seule fois et avant la date butoir du 31/03/2020. Les différences positives résultant de l’opération d’actualisation exceptionnelle étant soumises à un impôt proportionnel nouveau au taux de 3% de la valeur de ces différences au lieu du taux normal de 10% actuellement en vigueur pour la réévaluation classique ou de 15% en cas de cession du ou des bien(s). Par contre si le bien appartenant auxdits actifs est vendu endéans trois ans à dater de la réévaluation le régime normal d’imposition s’applique rétroactivement et la différence est percute par le Trésor.
Une autre réévaluation exceptionnelle est aussi octroyée à l’alinéa B du même article 49 et jusqu’au 31/12/2019 aux particuliers et autres contribuables, résidents ou non-résidents, soumis par la Loi No 64 du 20/10/2017 au nouvel impôt de 15 % sur la plus-value immobilière réalisée dans le cadre de leur gestion de leur patrimoine privé au Liban. Le taux applicable dans ce cas est de 2% a acquitter endéans deux mois.
* • Abaissement des pénalités et amendes exigibles à hauteur de 85% au titre des infractions pour défaut ou retard de déclaration et/ou de paiement (pénalités d’assiette et de recouvrement, taxes municipales, CNSS, mécanique…) en plus de l’échelonnement de l’impôt exigible (articles 32 à 40 du Budget ainsi que l’article 68).
* • Amnistie de l’ordre de 50% sur les montants réclamés au titre de redressements fiscaux et autres litiges en cours pendants devant les commissions de contestation au 31/03/2019; à charge de couvrir l’ensemble des revendications et d’acquitter le montant de l’amnistie avant le 31/12/2019 ou d’en régler le quart (25%) et d’échelonner le solde sur trois ans contre un taux d’intérêt de 12% à régler au Trésor (article 41 du Budget).
* III. Les mesures visant à lutter contre l’évasion fiscale :
* • Les municipalités sont désormais tenues de signaler au ministère des Finances les entreprises, les sociétés et les professionnels (activités commerciales, industrielles ou professionnelles diverses) ayant élu domicile dans le cadre municipal ; avec tous les détails y relatifs de même que l’obligation de signaler au fisc trimestriellement celles ou ceux qui ne disposent pas d’un numéro d’identification fiscal (articles 50 et 51 du Budget).
* • Les municipalités doivent effectuer des enquêtes de terrain auprès des entreprises et des professionnels en vue de compiler des informations fiscales et les transmettre au ministère des Finances ; notamment pour ceux ne disposant pas de numéros fiscaux (personnels ou professionnels) et travaillant en infractions des règlements.
* • Les notaires ont l’obligation de transmettre au ministère des Finances les contrats de vente authentiques et les procurations irrévocables pour permettre à l’administration fiscale d’en prendre connaissance et d’agir en conséquence (article 53 du Budget).
* • L’article 53 du Budget dispose que les contrats de vente authentiques et les procurations irrévocables doivent être exécutés avec transfert de propriété endéans trois ans de leur établissement sous peine de doublement du droit exigible (100%).
* • Une nouvelle définition exhaustive de l’évasion fiscale a été établie (article 57 du Budget) et introduite parmi les définitions du Code de Procédures Fiscales (Loi No 44 du 11/11/2008 et ses amendements). Elle tient compte notamment de l’élément intentionnel. L’évasion fiscale a été ainsi définie comme étant le fait pour une personne ayant des obligations fiscales de, sciemment et intentionnellement, ne pas déclarer les impôts et taxes dus à l’Etat et exigibles sur son revenu ou sur sa fortune, et de ne pas payer les impôts et taxes qu’il a l’obligation de déduire ou de recouvrer ou de retenir à la source ou de minorer lesdits impôts et taxes ou de les annuler ou de les retrancher ou de les récupérer de manière illégale et ce, par l’utilisation de moyens illégitimes dont notamment à titre énonciatif:
* − La dissimulation des revenus soumis à l’impôt.
* − L’enregistrement des obligations financières fictives contraires à leur véritable objectif.
* − Enregistrer de faux documents ou des charges fictives ou tenir une double comptabilité;
* − Détruire sciemment les documents comptables avant la date de prescription imposée par la loi.
* − S’abstenir d’émettre des factures conformément aux règlements en vigueur, ou de déclarer ses employés, ou de permettre l’identification des ayants droits économiques (Beneficial Owners).
* − Ne pas déclarer les importations et exportations à leur valeur réelle.
* IV. Autres dispositions importantes :
* • Sans modifier les options actuellement disponibles concernant les frais de passeport, il sera désormais possible de demander un passeport d’une validité de trois ans à 200,000 livres libanaises.
* • Mise en place d’une taxe spéciale sur les numéros spéciaux de plaques d’immatriculation de véhicules automobiles (de 3 à 5 chiffres) en plus d’une taxe annuelle.
* • Radiation des sociétés commerciales ainsi que des fonds de commerce n’ayant aucune activité et en infraction des règlements du registre de commerce ainsi que des sociétés civiles du registre spécial aux sociétés civiles.
* • Annulation des exemptions sur les frais d’enregistrement des véhicules et la taxe mécanique (à l’exception des personnes aux besoins spécifiques, de l’Etat, des institutions publiques, du Parlement, des municipalités, des corps consulaires et diplomatiques).