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(Réflexions à l’occasion de l’arrêt de la Cour d’appel de Beyrouth du 3 avril 2014)(1)
Prof. Nasri Antoine DIAB
Avocat aux Barreaux de Beyrouth et de Paris Professeur des Facultés de Droit
Docteur en Droit – Université de Paris 2 Master of Laws (LLM) – Georgetown University
Post Graduat en Gestion – Solvay ULB
Investisseur-consommateur(2) ou investisseur qualifié(3) ; investisseur particulier, investisseur institutionnel ou professionnel averti(4) ; équilibre des forces entre les acteurs (émetteurs, intermédiaires, investisseurs) ou déséquilibre entre parties (économiquement ou techniquement5) fortes et faibles (avec toute la difficulté de fixer un seuil pour évaluer l’équilibre6) ; appel public à l’épargne ou placement privé ; gestion avec mandat discrétionnaire ou non-discrétionnaire ; achat spontané ou démarchage et sollicitation. Autant de notions qui font du marché financier un monde mouvant aux contours imprécis en ce qui concerne la protection de l’investisseur, celle-là passant par son droit à l’information. Déjà, en elle-même, la notion d’«investisseur » n’est pas d’un abord évident, mais il est acquis que celui-ci devrait, dans certaines limites, être traité comme un « consommateur » (d’instruments financiers) et, à ce titre, obtenir la protection accordée au consommateur en général(7). Ainsi, au Liban, la Loi n°659 du 4 février 2005 sur la protection du consommateur constitue une piste à exploiter, notamment pour la constitution d’associations de défense des investisseurs(8). Le législateur et le régulateur doivent manœuvrer finement entre le souci de maintenir la fluidité du marché qu’un trop-plein de réglementations protectrices peut gripper et celui, pas nécessairement antinomique, d’assurer une protection maximale à l’investisseur en tenant compte de son statut professionnel et de la nature du produit financier, le petit épargnant qui place ses deniers personnels dans un produit non risqué pour assurer sa retraite ou arrondir ses fins de mois ne pouvant pas être traité sur un pied d’égalité avec un fonds de pension géant qui investit dans des produits sophistiqués (bien que les deux aient, au final, pour but d’assurer de vieux jours !).
Un arrêt fort intéressant rendu par la Cour d’appel de Beyrouth le 3 avril 2014 a le grand mérite d’être l’une des premières décisions judiciaires libanaises qui s’attaquent de front aux complexes problématiques soulevées par les instruments financiers(9) structurés sous le double angle de la protection de l’investisseur face à l’intermédiaire (en l’espèce, il s’agit d’une banque) qui lui a vendu un de ces instruments et du droit à l’information financière. Et les conclusions auxquelles la Cour est parvenue sont d’un haut intérêt en droit civil puisque, à l’annulation du contrat pour erreur spontanée vice du consentement, s’est ajoutée une condamnation de l’intermédiaire financier au paiement de dommages-intérêts à l’investisseur.
Nous allons commencer par exposer les faits et les analyser au fur et à mesure, ceci nous permettant de mettre en perspective les différents intervenants et les produits financiers en jeu (I), avant de passer à la présentation des devoirs de transparence et d’information de l’intermédiaire libanais dans la commercialisation de produits financiers (II) puis à l’analyse des conséquences que tire la Cour d’appel de la violation de ces devoirs sur le terrain du vice du consentement (III).
I- Exposé et analyse des faits, des intervenants et des produits financiers
Le client d’une banque commerciale (ou de dépôt) libanaise a souscrit simultanément à deux instruments financiers structurés, de type « Euro vs. USD Linked Deposit » : « Euro vs. USD Linked Deposit A » et « Euro vs. USD Linked Deposit B ». Le premier, « A », lui permettait de profiter de la hausse de l’Euro par rapport au dollar US et l’autre, « B », lui permettait à l’inverse de profiter de la baisse de l’Euro, les deux lui garantissant le remboursement intégral, à l’échéance, du capital investi. Ces produits, que l’arrêt qualifie de « programme de dépôt lié à un index financier »(10), ont été émis par une société d’assurance et commercialisés par la banque agissant comme intermédiaire financier, après obtention de l’autorisation préalable de la banque centrale (la Banque du Liban) requise par la Directive Principale n°7493 du 24 décembre 1999(11), la société d’assurance offrant au souscripteur une assurance-vie pour la durée de l’investissement dans les produits.
Le mécanisme de ces deux produits, quand ils sont combinés ensemble, est donc le suivant : lors de leur émission, un taux de conversion cible Euro/USD est fixé (1,3444) qui sera pris en considération à l’échéance; si, à l’échéance, le taux de conversion est supérieur au taux cible, le produit « A » se déclenche et génère un bénéfice ; si, par contre, le taux est inférieur, c’est le produit « B » qui se déclenche et génère un bénéfice. Il est possible de souscrire à l’un ou à l’autre des deux produits séparément, suivant que l’on prévoit une hausse ou une baisse du taux de conversion, comme on peut, plus prudemment, souscrire aux deux produits simultanément, ce qui signifie que l’on reconnaît l’évidence, c’est-à-dire la possibilité que seul l’un des deux produits génère des bénéfices alors que l’autre n’en génère pas du tout, puisqu’il est impossible que les deux produits génèrent ensemble des bénéfices. La prudence a un coût : l’un des deux investissements n’assure aucun retour à l’investisseur, lequel devra se contenter de récupérer son capital, sans plus ; et l’autre investissement assure un retour, mais uniquement proportionnel au dépassement du taux cible. Si nous revenons aux dispositions de l’article 5 de la Directive Principale n°7493 de 1999 qui distingue entre produits structurés et produits dérivés (« Structured Products and Derivative Unit »12), les produits achetés par le client relèvent plus des produits structurés(13) que des produits dérivés stricto sensu(14).
Ce type de produits à « tranches de sensibilités opposées » est connu sous la dénomination de « Bull and Bear »(15): les produits « A » et « B » sont, respectivement, haussier (« Bull », ou marché haussier) et baissier (« Bear », ou marché baissier) en fonction de l’index, en ce sens que leur profitabilité augmente avec, respectivement, la hausse et la baisse du même index(16). De manière plus générale, les personnes qui sont désireuses d’arbitrer des risques (de change, de taux d’intérêt, etc.) ou de spéculer sur un produit (actions, obligations, index, etc.) sans être sûres dans quel sens les mouvements du marché vont aller se voient offrir des produits répondant aux plus ou moins doux noms de « Butterfly », « Condor », « Strangle » ou « Straddle », qui ont tous en commun de donner à ces personnes la possibilité de profiter des mouvements haussiers et baissiers(17).
Il s’agit à l’évidence de produits financiers sophistiqués qui n’ont rien de produits d’épargne. Or, en l’espèce, les deux parties, aussi bien l’intermédiaire qu’est la banque et l’investisseur qu’est son client, ne sont pas des acteurs sophistiqués sur les marchés financiers. En effet, il s’agit d’une banque commerciale (et qui plus est, nous le verrons plus bas, agissant par l’intermédiaire de la directrice de l’une de ses branches de province), qui est une banque de dépôt, dont l’objet essentiel est « d’employer pour son propre compte, en opérations de crédit, les fonds qu’elle reçoit du public »(18) ; il ne s’agit pas d’une banque spécialisée(19), banque d’affaire ou de crédit à moyen et long terme(20). Pour sa part, l’investisseur est l’un des clients de cette banque, simple titulaire d’un compte d’épargne avec carnet, qui est le compte le plus élémentaire et basique, que la majorité des banques de la place ont d’ailleurs cessé d’utiliser de longue date(21). Ce client n’avait, pendant les douze années que durait la relation bancaire, acheté qu’un seul produit financier, relativement sûr : des actions préférentielles, émises par cette même banque, avec dividendes annuels de 8,5% (dividendes non garantis, puisque liés aux bénéfices de la banque) et capital garanti(22).
De plus, le client se trouvait à l’étranger et a été démarché au téléphone par la directrice de la branche bancaire située dans une ville de province, qui lui a proposé les produits, les lui a expliqués verbalement et lui a envoyé par télécopieur la notice de présentation (appelée, invariablement, « Prospectus », « Placement Memorandum », « Offering Circular »23) ainsi que les deux demandes de souscription ; il faut relever ici que la remise du prospectus constitue en elle-même une pollicitation(24). Le client a alors dépêché sa sœur à la banque, munie d’une procuration générale émise par lui, pour souscrire simultanément aux deux produits « A » et « B », pour un montant de USD 550.000 chacun, soit donc un montant total de USD 1.100.000. Ce montant a été, et ceci est très important pour notre analyse, tiré de son compte d’épargne. Les deux souscriptions ont eu lieu le 16 mai 2007. Le client a donc fait montre de prudence en achetant les deux produits, estimant que la hausse sur l’un et le bénéfice ainsi généré compenseront la baisse et l’absence de bénéfice sur l’autre ; il ne pouvait escompter de bénéfice que sur l’un des deux produits et pas sur les deux ensemble, l’un de ces deux investissements (de USD 550.000) allant nécessairement rester avec un rendement nul. Son risque ne portait pas sur le capital (les USD 1.100.000) qui était garanti, mais sur les revenus générés par ces deux investissements.
A l’échéance, deux ans plus tard, le 23 mai 2009, le taux de conversion était supérieur au taux cible, ce qui déclencha le produit « A » et fit participer le client à son bénéfice lié à la hausse, étant entendu que, naturellement, le produit « B », qui était lié à la baisse, ne se déclencha pas et le client n’a reçu aucun rendement y afférant. Le client a donc récupéré la totalité de son capital (USD 1.100.000) et reçu le rendement du produit
« A » qui s’élevait à USD 17.176, soit donc un rendement (d’après nos propres calculs) de 1,56% pour les deux ans qu’a duré l’investissement, donc 0,78% annuel.
Habitué aux rendements élevés du compte d’épargne puis des actions bancaires préférentielles (8,5% annuel pour ces dernières), le client assigna la banque et la société d’assurance en annulation des deux contrats de souscription pour erreur vice du consentement et en réparation du dommage qu’il a subi et qu’il a estimé à 12% annuel sur la totalité de son investissement qui serait, d’après ses allégations, le taux promis par la directrice de banque.
Le texte publié de l’arrêt d’appel ne détaille pas le contenu du jugement attaqué, notamment sur le point de savoir lequel des deux contrats « A » ou « B » a été annulé par le Tribunal de première instance ; dans la partie introductive de son arrêt, la Cour d’appel fait référence à l’annulation du contrat « B » par le Tribunal, puis elle-même procède à l’annulation du contrat « A » ; mais ceci est sans conséquence sur nos développements.
Toujours est-il que la Cour d’appel, devant laquelle le client est (avec sa sœur) l’appelant face à la banque et la société d’assurance intimées, annule partiellement le jugement de première instance, uniquement en ce qui concerne le montant de la réparation octroyée au client (et elle semble donc confirmer l’annulation du contrat du produit « B »), fixe le montant de la réparation à USD 88.000 (en le calculant sur la base du montant total de l’investissement, USD 1.100.000) et annule le contrat « A ».
I- Présentation des devoirs de transparence et d’information de l’intermédiaire financier dans la commercialisation de produits financiers
On peut dire que l’étendue de l’information à laquelle l’investisseur potentiel a droit sur les marchés financiers est fonction de son degré de sophistication : cette étendue est inversement proportionnelle à ce degré. Plus l’investisseur est sophistiqué et moins l’information qu’il attendra, et qu’il sera en droit d’attendre, de l’intermédiaire financier ou de l’émetteur est étendue et détaillée, et cette information va croissant à mesure que l’investisseur perd de sa sophistication, jusqu’à devenir très étendue pour l’investisseur profane. Et, à l’égard de ce dernier, le devoir d’information (ou aussi devoir de renseignement), qui est considéré comme relevant du devoir, plus général, de loyauté dans les relations contractuelles(25), se prolonge en un devoir de conseil et de mise en garde(26), sans que généralement ces deux devoirs ne se confondent(27). Avant d’être une obligation légale, l’obligation pour l’intermédiaire financier d’offrir au client une « information large et de qualité » est « un principe déontologique central, où se rejoignent les impératifs de transparence et d’exécution parfaite des ordres du client », ce qui est une condition indispensable pour le développement sain des marchés financiers(28). Les règles de prudence et de conduite imposées aux intermédiaires en droit européen, et qui incluent le devoir d’information de l’investisseur, requièrent des premiers qu’ils agissent « loyalement et équitablement . avec compétence, soin et diligence, au mieux des intérêts de (leurs) clients et de l’intégrité du marché »(29).
Il faut distinguer entre l’investisseur qualifié (ou averti) et l’investisseur « profane » ou « de droit commun »(30). En France, le premier est défini de manière très détaillée et précise par la loi, alors que le second ne l’est pas, ce qui fait qu’il est défini a contrario : est profane tout investisseur qui n’est pas qualifié. La notion d’investisseur qualifié (ou averti) a été initialement dégagée par la doctrine et la jurisprudence : il s’agit de l’investisseur qui est supposé avoir une connaissance des mécanismes financiers. Aujourd’hui, l’article L. 411-2 du Code Monétaire et Financier considère comme investisseur qualifié la personne physique ou morale « disposant des compétences et des moyens nécessaires pour appréhender les risques inhérents aux opérations sur instruments financiers », et l’article D. 411-1 énumère une série de personnes qui entrent de plein droit dans cette catégorie : les établissements de crédit et financiers ; les sociétés d’assurance ; les organismes de placement collectif ; les entités ayant une activité économique d’envergure eu égard à certains critères chiffrés de total bilan, chiffre d’affaires et nombre de salariés. Plus important pour notre espèce, une personne physique est considérée comme un investisseur qualifié(31), par nature, quand elle remplit deux des trois critères suivants : détention d’un portefeuille d’instruments financiers d’une valeur supérieure à 500.000 Euros ; réalisation d’opérations d’un montant supérieur à 600 Euros par opération sur des instruments financiers à raison d’au moins dix par trimestre en moyenne ; occupation, pendant au moins un an, d’une position professionnelle dans le secteur financier exigeant une connaissance de l’investissement en instruments financiers(32).
Les effets de la distinction entre les deux types d’investisseurs – l’investisseur qualifié et l’investisseur profane – sont donc d’importance pour ce qui est de l’obligation d’information pesant à la charge des intermédiaires financiers qui traitent avec eux : l’information est simplifiée, allégée, quand elle s’adresse à un investisseur qualifié. Aux Etats-Unis, et avant le récent développement des très strictes procédures de « Compliance »(33), l’obligation de « Know-Your-Client » ne s’appliquait pas au « broker » quand il avait affaire à un investisseur sophistiqué(34).
Au Liban, les marchés financiers ont été pendant longtemps régulés par la BDL, en vertu de l’article 70 du Code de la Monnaie et du Crédit qui lui fixe entre autres missions « le développement des marchés monétaires et financiers »(35). En 2011, un régulateur financier indépendant, l’Autorité des Marchés Financiers (ci-après, l’« AMF »), a été institué par la Loi n°161 du 17 août 2011 sur les marchés financiers, sous forme d’une personne morale indépendante de droit public(36) mais ayant en commun avec la BDL son président, le gouverneur de la BDL(37) ; les prérogatives pertinentes de la BDL lui ont été transférées. Le caractère public de l’AMF et la reconnaissance de sa personnalité morale la rapprochent considérablement de l’Autorité française du même nom(38). Elle a pour mission notamment de protéger et d’encourager l’investissement dans les marchés financiers, de mettre en place la réglementation générale des marchés financiers, et de recevoir les plaintes(39). Elle a tenu sa toute première réunion en date du 8 août 2012(40), édicté sa première Directive le 11 juin 2013(41) et publié ses premiers comptes financiers (pour le second semestre de l’exercice 2012) en juillet 2013(42). Dans les mois qui ont suivi le début de ses activités, l’AMF a entamé un rapide travail de réglementation des marchés financiers, établissant un maillage très serré des intervenants et des opérations.
Si, dans notre espèce, la Cour d’appel n’a cité dans son arrêt que la seule Directive Principale n°7493 de la BDL de 1999, elle aurait pu, quelques mois plus tard, s’appuyer sur une batterie de nouvelles Directives de l’AMF ainsi que sur une nouvelle Directive Principale de la BDL, ce qui montre l’ampleur du travail effectué par les autorités de régulation pour assurer la protection des investisseurs, la transparence des marchés et la moralisation des intervenants(43). En tir groupé, les Directives n°10, n°14, et n°17 édictées par l’AMF entre 2013 et 2015, et la Directive Principale n°11947 édictée par la BDL en 2015 sont venues combler des trous noirs dans lesquels l’intérêt des investisseurs pouvait être aspiré. Il est fort à parier que, dans notre espèce, le client aurait été traité différemment par sa banquière si ces Directives étaient déjà en place lors de son démarchage par celle-ci. Ce n’est pas que la Directive n°7493 de la BDL de 1999 ne soit pas déjà assez étoffée puisqu’elle prévoit que la banque doit, non seulement obtenir l’agrément préalable de la BDL sur le lancement ou la commercialisation des produits, mais aussi adopter une politique de « transparence totale dans sa relation avec les clients »(44), en informant ceux-ci du détail des produits et des risques y afférents, et en leur remettant un prospectus ou en concluant avec eux une convention comportant ces informations(45) ; en outre, cette Directive impose aux banques d’instituer une unité spécialisée dans les produits structurés et les dérivés, composée d’un personnel compétent et spécialisé(46).
La Directive n°10 de l’AMF du 9 janvier 2014 réglementant les opérations d’intermédiation financière, qui est applicable aux banques, impose aux intermédiaires de fournir aux investisseurs potentiels une information préalable sur les risques des opérations envisagées(47) et d’inclure dans leur contrat un avertissement attirant leur attention sur les risques élevés que comportent les opérations financières, à charge pour les intermédiaires d’obtenir des investisseurs une déclaration écrite de prise de connaissance de cet avertissement(48), ce qui établit une preuve préconstituée. Plus intéressant, cette Directive requiert l’établissement d’un « Profil » de chaque investisseur permettant d’analyser la pertinence (« Suitability », en anglais) de l’investissement eu égard à ce profil, lequel doit tenir compte de divers éléments, tels que l’âge de l’investisseur, son plan de retraite, ses investissements passés, sa culture financière, sa sensibilité au risque, sa solvabilité et ses objectifs d’investissement(49).
En 2015, la Directive n°17 de l’AMF(50) est venue imposer un formulaire standard (minimal) de « Know-Your-Client » (KYC) assez détaillé, couvrant l’identité de l’investisseur, ses revenus, ses actifs disponibles pour un investissement, ses connaissances et son expérience en matière d’investissement, sa sensibilité au risque et ses objectifs d’investissement. Cette procédure de KYC relève du devoir du banquier de s’informer(51), avant même de devoir informer son client : le banquier doit, sans pour autant s’immiscer dans les affaires de son client(52), déployer une grande vigilance en s’informant sur la situation de son client avant de décider s’il doit ou pas prêter son concours à l’opération financière envisagée(53).
Le lien entre les deux notions de « Suitability » et de « Know-Your-Client », que nous établissons en rapprochant les deux Directives de l’AMF n°10 de 2014 et n°17 de 2015, est acquis de longue date en droit américain où le « broker » a été très vite soumis à la
« suitability rule » formalisée par son obligation d’établir un « Know-Your– Client/Customer » : il doit avoir des raisons fondées pour croire que la recommandation qu’il fait à un client est « suitable » pour ce client, au vu des faits déclarés par le client concernant notamment ses autres investissements, sa situation financière et ses besoins. La grande question posée, et à laquelle l’AMF a répondu catégoriquement par l’affirmative, a été celle de savoir si le « broker » a une obligation positive de quérir l’information auprès de son client ou simplement une obligation d’agir raisonnablement au vu de l’information qui lui a été spontanément donnée par celui-ci(54). Clairement, pour l’AMF, l’intermédiaire est tenu de la première de ces deux obligations.
Signalons enfin la Directive n°14 de l’AMF du 10 février 2014 qui réglemente les fonds communs de placement(55) et qui prévoit que l’investisseur potentiel doit être averti des risques et recevoir toutes les informations pouvant influer sur sa décision, en tenant compte de la compatibilité de l’investissement avec son profil. Mais c’est surtout la réglementation du prospectus qui nous retient dans cette Directive(56), puisqu’elle pourrait être utilisée mutatis mutandis pour les prospectus des différents produits financiers. Le prospectus doit être préparé sous la responsabilité de l’émetteur et décrire le fonds commun de manière détaillée : sa création ; son objet ; sa stratégie ; sa gestion ; les modalités de dépôt de ses actifs ; les rémunérations, commissions et frais ; l’émission des parts, leur négociabilité et leur valorisation ; les risques ; la distribution des profits ; la liquidation du fonds ; et, de manière générale, toutes informations susceptibles d’être rendues publiques et qui assurent une plus grande transparence.
Parallèlement, la BDL a édicté la Directive Principale n°11947 du 12 février 2015 réglementant les modalités des opérations bancaires et financières avec les clients. Cette Directive montre d’emblée ses ambitions en imposant aux banques, en son article premier, le devoir de « cultiver les clients, de les éveiller et de clarifier leurs droits, en publiant des programmes d’éveil et de culture dans leur siège social, toutes leurs branches et leurs sites électroniques ». Les dispositions programmatiques de ce genre, aussi vastes que subjectives, ne peuvent que laisser le juriste dubitatif et, s’il représente les intérêts des banques, inquiet : comment la banque peut-elle remplir des obligations aussi lourdes et floues, et comment peut-elle se libérer de toute responsabilité à cet égard ? Et revient-il vraiment aux banques, institutions de droit privé, d’établir des programmes d’éveil et de culture financière du citoyen, ou n’est-ce pas plutôt le rôle des institutions de droit public, nomment la BDL et l’AMF ? C’est l’article 3 de cette Directive qui nous retient, car il impose à toutes les banques et institutions financières de poser les « Principes d’exécution des opérations bancaires et financières avec les clients », de manière à assurer un traitement équitable et professionnel des clients qui tient compte de leur « background », de leur capacité à comprendre les opérations et à appréhender leurs risques et profits, et de la compatibilité (« Suitability ») du produit offert par la banque ou demandé par le client avec sa situation et ses besoins. En outre, les employés de banque au contact direct de la clientèle doivent être formés pour traiter de manière transparente et équitable avec les clients. Cette dernière obligation pesant à la charge de la banque aurait sans doute été fort utile dans notre espèce pour assainir le rapport de la directrice de la banque intimée avec le client appelant.
Il est utile de rappeler que l’obligation d’informer l’investisseur potentiel n’est pas nouvelle en droit libanais, puisqu’on en retrouve des traces dans un Décret-Loi de 1968(57) qui a modifié certains articles du Code de Commerce de 1942 qui est encore en vigueur(58). Ainsi, l’article 81 du Code, tel que modifié, impose à toute société qui fait appel public à l’épargne en vue de la souscription au capital social de publier au Journal Officiel et dans deux quotidiens une notice d’information comportant les données suivantes : sa dénomination et l’adresse de son siège de la société ; son objet ; sa durée ; le montant du capital social ; le prix des actions et la partie qui en a déjà été versée ; la valeur des apports en nature ; la clause d’intérêt fixe ; les conditions de distribution des profits ; le nombre d’administrateurs, leur rémunération et leur pouvoir. De même, l’article 126 du Code, également modifié en 1968 et qui concerne l’émission d’obligations, impose la publication dans les mêmes médias d’une notice d’information indiquant notamment : la date de l’assemblée générale (ordinaire) qui a décidé l’émission ; le nombre et la valeur des obligations à émettre ; le taux des intérêts ; l’échéance ; les conditions ; les garanties ; le nombre des éventuelles obligations précédemment émises avec leurs garanties ; le montant du capital social ; la valeur des apports en nature ; l’existence d’une clause d’intérêt fixe ; les résultats du dernier bilan approuvé. On retrouve pareille obligation dans des lois spéciales, comme par exemple celle réglementant la titrisation des actifs(59).
Dans notre espèce, les arguments présentés par la banque en faveur de la qualification de son client d’investisseur non profane, tels que résumés dans l’arrêt d’appel, sont intéressants : l’émission des produits financiers achetés par le client a été autorisée par la BDL ; la banque a informé le client et lui a remis une brochure ; la banque n’est pas responsable des variations des taux de change et n’assume donc pas une obligation de résultat ; le client est commerçant (donc non profane), il a d’ailleurs acheté les deux produits « A » et « B », ce qui montre qu’il comprenait le risque et avait une expertise, et il avait déjà acheté par le passé des produits financiers dont le rendement n’était pas garanti : des actions préférentielles dont le rendement est lié aux bénéfices de la banque émettrice.
Mais à la charge de la banque, nous relevons que le client a été démarché, sollicité, par la directrice de la branche, et nous ne voyons pas quel prospectus un tant soit peu détaillé a pu lui être transmis par télécopieur. L’article L. 341-1 du Code Monétaire et Financier français définit le démarchage bancaire ou financier comme étant « toute prise de contact non sollicitée, par quelque moyen que ce soit, avec une personne physique ou une personne morale déterminée, en vue d’obtenir de sa part un accord » sur inter alia la réalisation d’une opération portant sur un instrument financier, que cette prise de contact soit faite par l’émetteur lui-même ou par un intermédiaire(60). Le client était donc passif et la personne qui l’a contacté (la directrice de sa branche) était de grande confiance. En outre, et ceci milite en faveur de son manque total de sophistication, les fonds qu’il a investis ont été puisés dans son compte d’épargne (qui n’est pas un type de compte habituellement utilisé par un investisseur sophistiqué), lequel a été littéralement vidé à cet effet. Et si son expérience, telle qu’alléguée par la banque intimée, se limite à la souscription à des actions préférentielles émises par sa propre banque, avec un intérêt fixe annuel et capital garanti, il n’est pas possible de qualifier cette expérience de grande, ce produit étant très proche d’un produit d’épargne et d’ailleurs commercialisé comme tel par les banques émettrices de la place.
Aussi bien les produits structurés que les produits dérivés ne sont pas, ce qu’on appelle en économie des « biens de confiance », c’est-à-dire des biens dont il est difficile d’estimer la qualité avant comme après l’achat(61), mais au contraire leur « qualité » est quantifiable et vérifiable de manière très précise. Ils s’adressent à des investisseurs sophistiqués et non pas à des épargnants, tel le client appelant dans notre espèce. Habituellement, il s’agit de commerçants (personnes physiques ou morales) qui y ont recours dans la gestion de leur trésorerie, ou d’investisseurs professionnels qui les utilisent dans le cadre de leur portefeuille. Il s’agit(62) de couvrir un risque (de change, de taux d’intérêt) ou de procéder à un arbitrage (par exemple, entre un actif au comptant et un actif à terme) en vue de tirer profit des divergences des marchés(63), etc. On voit bien que ceci n’entre ni dans la stratégie ni dans les moyens d’un épargnant.
La question se pose de savoir comment la banque peut se décharger de son obligation d’information si la remise d’un prospectus détaillé ne suffit pas. Quelle information verbale peut s’y ajouter ? N’est-ce pas au dilemme du médecin que le banquier est ici confronté : comment dire assez pour éclairer le patient / l’investisseur (qui n’a pas de connaissances médicales / financières) sans trop dire pour éviter de le noyer dans l’information(64) ? Mais du moins, pour ce qui est de la preuve, dont la charge incombe au banquier, en ce sens qu’il ne revient pas au client de prouver qu’il n’a pas été informé, mais au banquier de prouver qu’il l’a été(65), le banquier est mieux loti que le médecin car, outre le prospectus, qui est au final un outil assez normalisé, et la preuve préconstituée instaurée par la Directive n°10 de l’AMF de 2014(66), le banquier peut faire appel aux enregistrements des conversations téléphoniques qu’il a eues avec son client. Dans notre espèce, la banque n’a pas fait appel à un quelconque enregistrement entre sa directrice de branche et le client. Mais, l’information préalable à la conclusion du contrat, par remise du prospectus, soulève aussi des problèmes(67). En effet, ce prospectus est habituellement volumineux, très technique et contient des informations qui peuvent être confidentielles. Comment donc s’assurer que celui qui n’est encore qu’un investisseur potentiel puisse, d’une part, comprendre ce document et, d’autre part, ne pas en faire un mauvais usage (concurrence, obtention abusive d’informations, etc.) ? La conclusion d’un accord de confidentialité(68), la signature d’un reçu lors de la réception d’un exemplaire (numéroté) du prospectus comportant un engagement de non diffusion et de restitution en cas de non souscription sans prise de photocopie, etc., sont autant de techniques utilisées, notamment pour les produits complexes et sans grande diffusion.
II- Conséquences de la violation par l’intermédiaire financier de ses devoirs de transparence et d’information sur le terrain du vice du consentement
Le client appelant a demandé que les deux contrats d’achat de produits financiers («A » et « B ») soient annulés pour erreur vice du consentement et, en outre, que la responsabilité de la banque intermédiaire et de la société d’assurance émettrice soit engagée et qu’elles soient donc condamnées à réparer le préjudice qui lui a été causé. Il a fixé le quantum de la réparation à 12% annuel du capital investi (donc, pour les deux ans qu’a duré l’investissement, à 24% de USD 1.100.000, soit USD 264.000) qu’il fonde sur la perte de chance de placer son capital dans un investissement rapportant des revenus à ce taux. Cette double demande s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence française qui considère que l’annulation du contrat pour violation par l’intermédiaire financier de son obligation d’information, donc pour faute, ne suffit pas à l’investisseur lésé et que le préjudice subi par celui-ci doit parfois être réparé, notamment sur le terrain de la perte de chance(69).
La Cour d’appel a annulé les deux contrats pour erreur et a engagé la responsabilité de la banque et de la société d’assurance, les condamnant à payer au client un montant total de USD 88.000 pour « perte de chance », qu’elle calcule souverainement comme suit : 4% annuel du capital, soit donc, pour les deux ans, 8% de USD 1.100.000.
Il est tout d’abord intéressant de constater que, des deux vices du consentement théoriquement envisageables – l’erreur (spontanée) et le dol (erreur provoquée), ce soit le premier qui ait été retenu. Aux termes du premier alinéa de l’article 204 du Code des Obligations et des Contrats, le consentement est vicié et le contrat annulable lorsque l’erreur porte sur les qualités substantielles de la chose, alors qu’aux termes des articles
208 et 209 du Code, le dol vicie et entraîne la nullité du contrat lorsqu’il a été déterminant et a décidé la victime à contracter, pour autant qu’il a été commis par l’une des parties au détriment de l’autre(70).
Le déroulement des faits aurait permis d’envisager que le client accuse la banque, mais non pas la société d’assurance, de dol. En effet, c’est la banque qui l’a démarché, lui a donné des informations et a obtenu sa signature sur les deux contrats ; il était donc théoriquement possible d’affirmer que l’erreur a été provoquée, d’où dol, et qu’elle n’était pas une erreur spontanée.
Le positionnement du client sur le terrain de l’erreur lui a donné un avantage certain : celui d’attraire en justice aussi bien la banque que la société d’assurance puisque, sur le terrain du dol, celle-ci était hors de portée. Par contre, si en règle générale, ce positionnement allège le fardeau de la preuve pesant sur le client, puisque, si le dol nécessite de prouver l’intention de tromper de l’autre partie (élément psychologique, subjectif), l’erreur ne nécessite que la preuve d’un fait objectif lié à la victime(71), ceci est sans importance dans notre espèce car, comme nous l’avons vu plus haut, la charge de la preuve incombe au banquier, auquel il revient de prouver qu’il a communiqué au client l’information pertinente.
En outre, la distinction entre erreur et dol est sans conséquence sur la possibilité d’obtenir des dommages-intérêts suite à l’annulation du contrat. En effet, et bien que les dommages-intérêts ne soient prévus expressément dans le Code des Obligations et des Contrats qu’en matière de dol(72), l’obtention de dommages-intérêts par l’errans,
par suite de l’annulation du contrat pour erreur vice de consentement, reste possible. En effet, il faut rappeler que, techniquement, ce qui a causé l’erreur (le défaut d’information, le manque de transparence, etc.) se situe dans la période précontractuelle, ce qui permet de se positionner sur le terrain de la responsabilité
délictuelle (extracontractuelle)(73). Il a longtemps été admis en droit français que la
nullité du contrat était la seule conséquence de l’erreur spontanée, à l’exclusion des dommages-intérêts qui, eux, n’étaient envisageables qu’en matière de dol où la partie qui a provoqué l’erreur de la victime, par le dol dont elle a été l’auteur, pouvait être condamnée à réparation(74). Donc, la personne qui s’était trompée (erreur spontanée)
pouvait demander l’annulation du contrat, mais ne pouvait pas faire en outre ce que la victime de l’erreur provoquée par le dol de son cocontractant pouvait faire : demander réparation en sus de l’annulation du contrat, puisque, si dans le dol il y a une faute commise par le cocontractant, dans l’erreur celui-ci ne peut en principe rien se voir reprocher.
Cette discrimination entre la victime d’une erreur spontanée et celle d’une erreur provoquée s’est estompée, la jurisprudence française admettant plus fréquemment que la victime de l’erreur, qui a obtenu l’annulation du contrat sur le fondement de l’article 1110 du Code civil(75), puisse en outre obtenir, sur le fondement de l’article 1382 du
Code civil applicable à la responsabilité délictuelle, réparation du préjudice que la restitution qui suit l’annulation du contrat ne suffit pas seule à couvrir. Mais, il faut pour cela que la victime de l’erreur prouve la faute de son cocontractant (légèreté, négligence, non équipollentes au dol faute d’intention de tromper76), puisque le
préjudice causé par l’annulation du contrat n’est pas suffisant en lui-même pour justifier la condamnation du cocontractant à réparation(77).
Dans l’arrêt de la Cour d’appel de Beyrouth, la condamnation de la banque et de la société d’assurance a été prononcée en l’absence de dol et, dans le cadre de l’erreur spontanée vice du consentement, en l’absence de faute prouvée, c’est-à-dire sans que rien n’ait été reproché à la banque et à la société d’assurance. Ceci suscite des interrogations sur le fondement juridique de cette condamnation. La Cour a bien parlé de « perte de chance » de réaliser un autre investissement, ce qui est admis notamment dans le domaine du dol(78), mais n’a pas établi la faute (non dolosive) de la banque et de la société d’assurance.
Il est utile de rappeler ici, en marge, que le droit libanais se distingue du droit français par l’admission du premier et le refus du second de ce qu’on appelle improprement le « cumul » des responsabilités contractuelle et délictuelle, alors qu’il s’agit plutôt d’une « option »(79) : le droit libanais admet qu’une partie à un contrat, qui subit un préjudice du fait de son cocontractant, ait le choix de se positionner librement sur le terrain de l’une ou l’autre de la responsabilité contractuelle ou de la responsabilité délictuelle(80), choix qui lui est refusé en droit français(81). Dans notre espèce, cette notion n’a pas été appelée à s’appliquer, puisque le client n’a pas choisi de se placer sur le terrain délictuel mais a obtenu réparation (sans alléguer de faute de la part de ses cocontractants) sur le terrain contractuel (de l’erreur vice du consentement), ce qui n’est pas sans nous interpeller puisque la Cour d’appel en est arrivée à établir ainsi une responsabilité contractuelle sans faute pour la banque (ce qui pourrait, à la limite, se comprendre, puisque c’est la banque qui a vendu le produit au client) et pour la société d’assurance (ce qui se comprend moins, puisque cette société n’a fait que structurer et émettre le produit financier, sans démarcher le client et sans que le produit en lui-même ne soit défectueux).
Quant au quantum des dommages-intérêts, la manière lapidaire par laquelle la Cour d’appel l’a fixé et l’a calculé ne nous permet pas de savoir comment elle y est parvenue, puisqu’elle s’est contentée d’affirmer que « cet achat a causé la perte d’une chance sérieuse (pour le client) d’investir ses fonds dans un autre investissement », puis a fixé le chiffre de 4% annuel sur la totalité du montant de l’investissement. Faut-il rappeler que, si les juges ont certes un pouvoir souverain dans la fixation du montant de la réparation, ceci ne les libère pas pour autant du devoir « de s’expliquer sur les raisons qui les ont conduit à retenir tel montant et pas tel autre »(82). La Cour d’appel est passée ici à côté d’une belle occasion de poser les jalons de la méthode de calcul du quantum du préjudice dans les affaires concernant la transparence des marchés financiers. N’était-ce ce bémol, et peut-être aussi celui de l’établissement d’une responsabilité sans faute, cet arrêt devrait probablement faire date dans ce domaine encore en friche au Liban.
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Les marchés financiers libanais n’échappent pas à l’évolution qui dicte les réglementations les plus avancées, et les deux autorités de régulation – la Banque du Liban et l’Autorité des Marchés Financiers – ont mis en place un système de protection de l’investisseur auquel tous les acteurs de la place doivent s’adapter, avec l’avantage qu’un même set de régulations s’applique à tous, au lieu de la fragmentation constatée sur les marchés internationaux et qui fut l’une des sources de la crise financière de la fin des années 2000(83). Toutefois, les marchés financiers libanais n’étant pas encore très développés, notamment pour ce qui est des instruments financiers d’origine locale, il ne faudrait pas qu’une surcharge de réglementations, inévitable source de lourdeur administrative, vienne inhiber l’initiative des intervenants et partant la liquidité des marchés. Les autorités de régulation doivent avoir ce qu’il faut de sagesse pour savoir jusqu’où aller dans ce sensible jeu d’équilibre entre la protection de l’investisseur et la paralysie des intermédiaires financiers.
Prof. Nasri Antoine DIAB
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1) Troisième chambre de la Cour d’appel de Beyrouth (présidée par Mme Jeanette Hanna), arrêt n°500 du 3 avril 2014, Revue du Barreau de Beyrouth « Al Adl », 2014, p.1397.
2) Th. Bonneau et F. Drummond, Droit des marchés financiers, Economica, 2001, n°470.
3) Article L. 411-2 du Code Monétaire et Financier français.
4) F. Nammour, Droit bancaire, Beyrouth, 2012, p.305.
5) Pour certains auteurs, la banque est, dans sa relation avec le client, la partie la plus expérimentée dans le domaine financier et celle qui est la plus active dans la définition du contenu du contrat: Ch. Gavalda et J. Stoufflet, Droit bancaire, Litec, 2010, n°292.
6) L. Fin-Langer, L’équilibre contractuel, L.G.D.J., 2002, n°431 et s.
7) Th. Bonneau et F. Drummond, Droit des marchés financiers, op.cit. n°469 et n°470.
8) L’article 67 de la Loi n°659 de 2005 sur la protection du consommateur permet la constitution d’associations de consommateurs et leur donne le pouvoir d’ester en justice pour défendre les droits collectifs ; voir : N. Diab, Théorie et pratique de la procédure civile (en langue arabe), Sader
Publishing, 2009, pp.153-154 ; voir aussi : B. Le Bars, Les associations de défense d’actionnaires et d’investisseurs, L.G.D.J., 2004.
9) Nous utiliserons invariablement les expressions « instruments financiers » ou « produits
financiers » qui sont, techniquement, des valeurs mobilières ; voir : V. Mercier, L’apport du droit des valeurs mobilières à la théorie générale du droit des biens, Presses Universitaires d’Aix- Marseille, 2005, surtout n°28-29.
10) Cour d’appel de Beyrouth, arrêt n°500 du 3 avril 2014, op.cit, p.1399.
11) Directive Principale n°7493 de la BDL du 24 décembre 1999 réglementant « les opérations financières et les activités sur les marchés financiers » (titre tel que modifié par la Directive Intermédiaire n°11705 du 28 février 2014). Il est interdit à toutes les banques opérant au Liban
de lancer ou de commercialiser, pour compte propre ou pour le compte de tiers, sans
l’agrément préalable de la Banque du Liban, « tous indices ou dérivés financiers liés ou pas à des programmes de dépôts, ou produits financiers de tous genres », ainsi que « tous programmes de dépôts ou produits financiers dont les revenus sont liés à des indices ou à des dérivés financiers de tous genres » ; voir : N. Diab et I. Boustany, La titrisation des actifs, L.G.D.J.. Bruylant Delta, 2003, pp.120-121.
12) L’expression figure en anglais dans le texte arabe de la Directive Principale n°7493 de la BDL de 1999.
13) V. Lauwick, I. de Dinechin, C. Lorin et P. Gourmet, « Instruments de gestion du risque de
taux », in Y. Simon, éd., Encyclopédie des marchés financiers, Tome 1, Economcia, 1997, article 34, p.654 surtout p.664 et s.
14) Y. Simon, Les marchés dérivés, Economica, 1997, p.5 : « Un produit dérivé est un actif
financier dont la valeur dépend du prix d’un autre actif que l’on appelle un sous-jacent » ; voir aussi : Th. Bonneau et F. Drummond, Droit des marchés financiers, op.cit., n°141.
15) Sur les « Bull and Bear Call Spreads », voir : R.S. Stafford Johnson & C. Giaccotto, Options and Futures, West Publishing Company, 1995, p.73.
16) J. Pilverdier-Latreyte, Le marché financier français, Economica, 1991, pp. 69 et 71.
17) K. Cuthbertson & D. Nietzsche, Financial Engineering – Derivatives and Risk Management, John Wiley & Son, 2001, p.280 et s.; J. Devèze, A. Couret, G. Hirigoyen, Lamy – Droit du Financement – 2010, Lamy, 2009, n°2302 et s (Division IV : « Couverture des risques de taux et
conservation de trésorerie »).
18) Article 121 du Code de la Monnaie et du Crédit.
19) Cette catégorie de banques a été initialement instituée par la Loi n°22 du 21 avril 1967 ; voir :
- Safar, Les banques spécialisées au Liban et dans certains pays arabes et européens – Etude juridique et bancaire comparée (en langue arabe), Union of Arab Banks, 1992.
20) Sur la distinction entre les deux types de banque, voir : N. Diab et I. Boustany, La titrisation des actifs, op.cit., p.112 et s. ; F. Nammour, Droit bancaire, op.cit., p. 20 et s.
21) Ce compte ne fait pas l’objet d’une réglementation développée ni centralisée (dans un texte
unique), et trouve son soubassement dans les articles 166 à 171 du Code de la Monnaie et du Crédit ; voir : F. Hage-Chahine, Le carnet d’épargne en droit libanais (en arabe), Editions Groupe Hatem, 1993, p.19.
22) Les actions préférentielles ne peuvent être émises que par les banques et non par les
sociétés commerciales de droit commun, et ont été instituées par la Loi n°308 du 3 avril 2001 qui réglemente « l’émission des actions de banques et leur négociation, l’émission d’obligations et la propriété de biens-fonds par les banques ».
23) A. Couret, H. Le Nabasque et alii, Droit financier, Dalloz, 2008, n°299.
24) F.G. Trébulle, L’émission de valeurs mobilières, Economica, 2002, n°102.
25) Y. Picod, Le devoir de loyauté dans l’exécution du contrat, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1989, n°111 et s.
26) J.-L. Guillot et P.-Y. Bérard, « L’obligation de mise en garde du banquier à l’égard des
investisseurs non avertis », Banque & Droit, Hors-Série, Mars 2012, p.8.
27) J.-L. Rives-Lange et M. Contamine-Raynaud, Droit bancaire, Dalloz, 1995, n°175 ; pour des développements très intéressants sur ces deux devoirs, voir : B. Starck, H. Roland, L. Boyer, Droit civil – Obligations – 2. Contrats, Litec, 1989, n°269 et s.
28) A. Pezard et G. Eliet, Droit et déontologie des activités financières – Comparaison
internationale, Montchrestien, 1997, p.29.
29) B. Sousi-Roubi, Droit bancaire européen, Dalloz, 1995, n°572 et s.
30) Les deux expressions sont de Th. Bonneau et F. Drummond, Droit des marchés financiers, op.cit., n°478.
31) Article D. 411-1 du Code Monétaire et Financier français.
32) Sur ces différentes catégories, voir : A. Couret, H. Le Nabasque et alii, Droit financier, op.cit.,
n°280 et s. ; Th. Bonneau et F. Drummond, Droit des marchés financiers, op.cit., n°472.
33) A. Newton, Compliance – Making Ethics Work in Financial Services, Prentice Hall, 1998.
34) Th. L. Hazen, The Law of Securities Regulation, West Publishing Co., 1996, p.505.
35) Pour les missions de la BDL, voir : M. Nsouli, Recherches sur les critères d’une banque centrale moderne, L.G.D.J. , 2003, p.123 ; voir aussi, S. Chammas, L’Etat et les systèmes bancaires contemporains, Sirey, 1965, p.90 et s.
36) Article 4 de la Loi n°161 de 2011.
37) Article 6 de la Loi n°161 du 2011.
38) Voir : J.-P. Valette, Droit de la régulation des marchés financiers, Gualino éditeur, 2005,
p.112. Pour une étude comparative de (l’ancienne) Commission des Opérations de Bourse (COB) et de la « Securities And Exchange Commission » (SEC), qui reste pertinente, voir : P.-
- Conac, La régulation des marchés boursiers par la Commission des Opérations de Bourse (COB) et la Securities And Exchange Commission (SEC), L.G.D.J., 2002 ; voir aussi : N. Decoopman, La Commission des Opérations de Bourse et le droit des sociétés, Economica, 1979.
39) Article 11 de la Loi n°161 du 2011.
40) Voir le rapport joint aux premiers comptes financiers semi-annuels publiés de l’AMF (période Juillet-Décembre 2012), Journal Officiel, n°29 du 4 juillet 2013, p.2782.
41) Directive n°1 de l’AMF du 11 juin 2013. Toutes les Directives de l’AMF et de la BDL sont
publiées au Journal Officiel.
42) Journal Officiel, n°29 du 4 juillet 2013, p.2771, op. cit.
43) Pour la moralisation des intervenants, on peut citer par exemple la Directive n°6 de l’AMF du
20 novembre 2013 visant à empêcher les délits d’initiés et l’utilisation d’informations privilégiées.
44) Article 2 de la Directive n°7493 de la BDL de 1999.
45) N. Diab et I. Boustany, La titrisation des actifs, op.cit., pp.120-121.
46) Article 5 de la Directive n°7493 de la BDL de 1999.
47) Article 11.1.a) de la Directive n°10 de l’AMF.
48) Article 9.4. de la Directive n°10 de l’AMF.
49) Article 9.8. de la Directive n°10 de l’AMF ; les termes « Profile » et « Suitability » figurent en langue anglaise dans le texte arabe de cette Directive.
50) Directive n°17 de l’AMF du 9 mars 2015.
51) A. Buthurieux, Responsabilité du banquier, Litec, 2004, n°186.
52) Le devoir de vigilance du banquier est contrebalancé par un devoir de non-immixtion ; voir :
- Piedelièvre et E. Putman, Droit bancaire , Economica, 2011, n°189-191.
53) Th. Bonneau, Droit bancaire, Montchrestien, 2005, n°408.
54) Th. L. Hazen, The Law of Securities Regulation, op.cit., pp.503-505.
55) Les fonds communs de placement ont été créés par la Loi n°706 du 9 décembre 2005.
56) Article 3.2. de la Directive n°14 de l’AMF du 10 février 2014.
57) Décret-Loi n°9798 du 4 mai 1968.
58) Le Code de Commerce a été promulgué, en langue française, le 24 décembre 1942 par le Décret-Loi n°304/NI.
59) Loi n°705 du 9 décembre 2005, article 39.
60) F.M. Laprade, « Démarchage, APE et offre publique », in A. Couret et C. Malecki (Etudes
coordonnées sous la direction scientifique), Les défis actuels du droit financier, Joly éditions, 2010, p.239.
61) J.-S. Bergé, C. Chaserant et S. Harnay, « La prestation de service internationale, objet du
droit et de l’économie ? Le cas des professions juridiques », Journal du Droit International (Clunet), 2015, p.70.
62) G. Nejma, Les contrats de produits dérivés, Larcier, 1999, p.21.
63) J. Devèze, A. Couret, G. Hirigoyen, Lamy – Droit du Financement – 2005, Lamy, 2004, n°2314.
64) N. Diab, « Le droit du patient à l’information médicale », Revue du Barreau de Beyrouth «Al Adl», 2014, p.52.
65) J.-L. Guillot et P.-Y. Bérard, « L’obligation d’information et de conseil et la preuve de son
exécution », Banque & Droit, Hors-Série, Mars 2012, p.11 ; voir aussi : J.-L. Rives-Lange et M. Contamine-Raynaud, Droit bancaire, op.cit., n°175.
66) Voir supra.
67) Ph. Arestan, Démarchage bancaire et financier & Conseil en investissements financiers,
Revue Banque Edition, 2006, p.154.
68) NDA, « Non-Disclosure Agreement ».
69) H. de Vauplane et J.-P. Bornet, Droit des marchés financiers, Litec, 2001, n°995.
70) L’article 209 du Code des Obligations et des Contrats prévoit aussi le cas du dol pratiqué par un tiers, ce qui n’est pas dans notre propos ici.
71) Ch. Larroumet, Droit civil. Tome 3. Les Obligations, Le Contrat, Economica, 1996, n°365.
72) Articles 208 et 209 du Code des Obligations et des Contrats.
73) J. Ghestin, G. Loiseau, Y.-M. Serinet, Traité de droit civil. La formation du contrat. Tome 1 : Le contrat. Le Consentement., L.G.D.J. Point Delta, 2013, n°1220.
74) J. Flour et J.-L. Aubert, Les obligations 1. L’acte juridique, Armand Collins, 1998, n°222.
75) L’article 1110 du Code civil est équivalent à l’article 204 précité du Code des Obligations et des Contrats.
76) F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Droit civil – Les obligations, Dalloz, 2002, n°227.
77) J. Ghestin, G. Loiseau, Y.-M. Serinet, Traité de droit civil. La formation du contrat. Tome 1 : Le contrat. Le Consentement., op.cit., n°1220.
78) J. Ghestin, G. Loiseau, Y.-M. Serinet, Traité de droit civil. La formation du contrat. Tome 1 : Le contrat. Le Consentement., op.cit., n°1452.
79) N. Diab, « La faute médicale en droit libanais », Revue du Barreau de Beyrouth «Al Adl»,
2000, p.135, surtout p.141.
80) E. Chamoun, « Les problèmes posés par le choix et le cumul de la responsabilité contractuelle et de la responsabilité délictuelle », Proche-Orient Etudes Juridiques, 1978-1979, p.47.
81) F. Terré et Y. Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence civile – Tome 2, Dalloz, 2008,
p.277, sous l’arrêt n°181 : Cour de cassation, Civ. 11 janvier 1922.
82) M. Bacache-Gibeili, Les obligations – La responsabilité civile extracontractuelle (Traité de Droit Civil – Tome V – sous la direction de Christian Larroumet), Economica, 2012, n°555 ; voir
aussi : M.-E. Roujou de Boubée, Essai sur la notion de réparation, L.G.D.J., 1974, surtout p.267 et s.
83) G. Pauget, La banque de l’après-crise, Revue Banque Edition, 2009, p.47.